vendredi 16 octobre 2020

À noter: prochaine rencontre

 À VOS AGENDA!

Prochaine rencontre: le 9 décembre 2020, à 14h.

Rendez-vous à la librairie Apostrophe!



Âge tendre

BEAUVAIS, Clémentine. Âge tendre. Sarbacane. (Exprim’). 2020.  378 p.  ISBN : 978-2-37731- 465-2.  (17€) 

Résumé : 

 La mise en place du nouveau service civique obligatoire pour chaque élève entre la classe de 3è et la classe de 2 nde oblige les collégiens à formuler des vœux et à attendre fébrilement leur affectation qui peut avoir lieu partout en France et qui durera une année. Valentin Lemonnier, ado plutôt réservé, originaire d’Albi, qui souhaitait un musée ou une bibliothèque pas très éloignée de son domicile, est nommé à Boulogne-sur-Mer dans une unité de soins pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Une unité particulière, le centre Mnémosyne, qui permet à ses pensionnaires de vivre dans les années 60 et 70, en évitant soigneusement toute référence au monde actuel. Dès les premiers jours, il a pour mission d’annoncer à une pensionnaire, fan de Françoise Hardy, que cette dernière ne viendra pas en concert à la résidence. Mais Valentin n’aime pas les mauvaises nouvelles, et décide d’annoncer le contraire. Dès lors, il va devoir tout mettre en œuvre pour que Françoise Hardy soit bien présente pour l’anniversaire de la vieille dame ! Valentin se jette corps et âme dans sa nouvelle mission. Contre toute attente, il se passionne pour ce milieu, s’attache de plus en plus aux pensionnaires et redoute le temps des vacances scolaires, lors duquel il doit retourner à Albi… 

 

Avis : 

Présenté sous la forme d’un rapport de service civique, le récit alterne des passages rédigés de façon administrative (le début du texte est savoureux, et m’a fait penser à Parcours Sup), des parenthèses de type Wikipédia et d’autres parties plus personnelles qui vont peu à peu prendre le pas sur le rapport officiel. C’est ce mode de rédaction qui m’a « tapé dans l’œil » et que j’ai particulièrement apprécié : on y voit l’évolution de Valentin, et ce qui devait être une formalité devient vraiment une expérience qui marquera l’adolescent à vie. J’ai noté quelques longueurs, notamment dans ce qui concerne le parallèle entre la vie personnelle de Valentin et celle de Sola, le médecin référent qui doit s’occuper de lui, mais cela ne m’a pas empêchée de dévorer ce livre d’une traite ! 

Thèmes : 

Mémoire / maladie d’Alzheimer Relations parents-enfants / Famille recomposée 


Niveau : lycée (notamment professionnel) 

 

Christine Bretton (Nogent)

mercredi 14 octobre 2020

Ogresse

MANÇO, Aylin. Ogresse. Exprim', Sarbacane. 2020, 278 p. ISBN: 9782377313754 (16,00€)
 
Résumé: 
 
Hippolyte, H pour ses amis, vit seule avec sa mère depuis que son père est parti. Depuis leur divorce, l'été précédent, rien ne va. H a l'impression que son monde est bancal.
Ses meilleurs amis, Benji le blagueur et Kouz le beau gosse, ne la considèrent pas comme une vraie fille mais comme une pote. Kouz ne se gêne d'ailleurs pas pour montrer et commenter les nudes qu'une fille lui a envoyée. Sans aucune considération pour Hippolyte.
Au lycée, H n'arrive plus à rien.
Son père tente de maintenir le lien mais lui parle encore comme si elle était une petite fille.
Sa mère quant à elle est de plus en plus difficile à cerner: elle refuse de manger avec sa fille mais lui cuisine tous les jours un énorme morceau de viande qu'Hippolyte se force à avaler, elle semble faible et se lève au milieu de la nuit pour passer des heures enfermée à la cave.
À cela s'ajoute la disparition inexpliquée d'une voisine âgée que l'adolescente appréciait bien.
Et le pire est à venir: un soir, sa mère se jette sur elle et la mord. Hippolyte ne comprend rien mais sait qu'elle doit trouver une solution pour sauver sa mère. Tout en essayant de suivre ses cours, maintenir ses relations, comprendre ce qu'elle veut... 
Peut-être que c'est trop pour les épaules d'une seule personne. 
Peut-être qu'elle devrait parler.
Peut-être qu'il est trop tard.
 
Avis:
 
Encore un livre sur le mal-être adolescent? Oui et non. 
Oui parce qu'effectivement, H traverse des périodes de doutes, de colères, de questionnements liées à son âge (avenir, amour, sexualité, amitié, relation avec les parents, relation à soi, valeurs...). Elle cherche sa place, son identité. 
Non parce que, en périphérie, se devine l'horreur. Elle n'est jamais dite clairement, mais toujours en arrière plan, sous-entendue, suggérée, insinuée, laissée à l'imagination de chacun. Et ce qu'on nous laisse entrevoir suffit à nous faire déduire le pire. Mais attention, nous ne sommes pas dans un livre de Zombie, Post-apocalyptique, avec un Virus incontrôlable ou je-ne-sais-quoi. Absolument pas. Le sujet central c'est Hippolyte et sa relation aux autres.

Les premières pages m'ont d'abord laissée perplexe. Et puis ensuite, le dégoût croissant d'Hippolyte pour les assiettes que sa mère lui propose chaque soir m'a happée. Ce qui est remarquable, c'est la façon dont Aylin MANÇO arrive à transmettre le malaise, cette vision "sang-trippe-boyaux" sans JAMAIS mentionner quoi que soit. 
 
Autre point positif: Hippolyte est mal mais jamais geignarde (je déteste ça): son mal-être est réel pas surjoué. 

 Quelques phrases qui m'ont bien plues:
 
"Elle avait acheté des tonnes de viande: tranches de lard épaisses, une entrecôte bien grasse, un rôti de porc d'un rose presque fluorescent et, pire que tout, une tranche de foie de veau. J'ai empilé les emballages [...] dans le frigo en m'efforçant de contenir ma nausée."

 "J'aimais bien l'école, avant. Seulement, je n'avais pas compris à quel point c'était un amour fragile. Il suffit de se laisser un tout petit peu, et quand on relève la tête, on se rend compte qu'on est tombés du bus. Et il repart."

"Il manque un mot dans la langue française, un mot pour qualifier les évènements qui sont impossibles mais qui surviennent quand même."

"J'ai eu mal cette nuit-là. [...] MA tête, le cœur, les poumons, le cœur, mes muscles, mon ventre, ma peau, le cœur [...] C'était une douleur dans cause. Juste une douleur. Mais d'où venait-elle?"

" - On ne peut pas crier dans la rue en pleine journée, parce qu'on nous prendrait pour des fous, ni pendant la nuit, parce qu'on réveillerait les gens. On ne peut pas crier à l'école, parce qu'on se ferait engueuler. On ne peut pas crier chez nous parce que les voisins appelleraient la police. [...]
- Mais pourquoi tu voudrais crier? [...]
-Je  veux hurler.
- De rage? De triomphe?
-Sans raison.
Menteuse, j'ai pensé."

Un excellent moment de lecture!
 
Thèmes:
Relation parents / enfants
Relation entre jeunes, relation fille-garçon
Perception de soi, des autres
Adolescence, amour, amitié
Cannibalisme
 
Niveaux: dès la 4e
 
Pauline G. (Chaumont)




Un garçon c'est presque rien

BALAVOINE, Lisa. Un garçon c'est presque rien. RAGEOT, 2020.978-2-7002-7540-7. (15,50€)

Résumé:

Un lit d'hôpital. Un garçon allongé. Une jeune fille qui attend.
Qui sont-ils? Comment sont-ils arrivés là?
Roméo raconte son histoire.
Il n'est pas un garçon comme les autres. Il aime la musique, la poésie, la beauté. Il n'entre pas dans la norme, dans le moule que la société a prévu pour les mecs, les vrais. Il ne comprend pas ce besoin de brailler, de transpirer sa testostérone par tous les pores de la peau, de se balader en meute, de se montrer dominant, de parler des filles et de sexe, de parler mal des filles et de sexe. Lui n'a jamais eu de vraie relation avec une fille. Mais ce n'est pas grave.
À la maison, ce n'est pas la joie. Ses parents ne se parlent pas et ne lui ont pas vraiment adressé la parole depuis longtemps. Sa mère quelque fois. Mais uniquement pour lui faire des reproches: le lycée, les devoirs, s'il a une copine et pourquoi est-il si bizarre. À croire qu'elle n'a jamais voulu de lui.
Et puis, un jour, au lycée, cette fille, si différente, s'assoit à côté de lui. Justine.
Justine est belle, libre, pétillante, inaccessible. Mais elle lui parle et Roméo se sent changer. Finalement, ils ont des points communs. Mais la liberté d'une fille n'est pas toujours bien vue. Et Justine va en faire les frais. Elle couche avec le chef de Meute et celui-ci ne se gêne pas pour filmer à son insu et tout balancer en ligne. Bien sûr, elle devient la Salope.
Et Roméo ne comprend pas qu'un garçon soit suffisamment tordu pour transformer un moment de plaisir en un "souvenir dégueulasse".
Alors il décide d'aider Justine.

Avis:

J'ai lu ce livre d'une traite. L'écriture en vers libre est magnifique, fluide, intense. Lisa BALAVOINE emploie des mots justes, précis, touchants pour parler des injonctions faites aux garçons, aux hommes. On lit rarement des textes où un garçon parle de sa difficulté à trouver sa place, à se fondre dans le moule, un moule qu'il refuse finalement.

D'autres thématiques très fortes sont abordées: le fossé entre l'ado et ses parents, la pornographie et le rapport au sexe, le consentement, la liberté des filles de disposer de leur corps, le viol, la musique qui a une place importante dans la vie de Roméo...

En tant qu'intervenante dans le parcours d'Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle des élèves, je retrouve des questionnements des élèves et je pense pouvoir utiliser des extraits lors des séances d'intervention. 

Le fait que Lisa BALAVOINE soit professeure documentaliste est un atout indéniable dans son écriture: on sent qu'elle est au contact des adolescents, de leurs réalités, elle est sur le terrain. Ce qui donne une légitimité supplémentaire à son travail.

Quelques citations mais il manque la mise en forme du texte qui a aussi son importance:

"C'est comme si tout ce que je fais, disais, pensais, portais, ressentais, étais incompréhensible pour les autres. Peut-être que je devrais changer, apprendre à leur ressembler, m'intégrer dans le groupe, me fondre dans le game. Mais je crois que je préfère rester à contre courant, être comme le vent, Libre et invisible."

"Je suis né garçon, je ne l'ai pas choisi,[...] et j'ai vite compris ce qu'on attendait de moi. Les garçons ont des corps puissants, les garçons ne pleurent pas, les garçons sont des battants, les garçons obtiennent des résultats, les garçons sont dominants [...]les garçons doivent être virils, les garçons aiment les filles faciles, les garçons ont toujours raisons. Je suis né garçon mais je ne suis pas né comme ceux-là"

"Ne crois-tu pas, Justine, que le fait de disposer de ton corps, à ton âge, dans ta chambre, tu en as tout de même le droit? [...] En quoi devrais-tu être punie pour cela?"

"C'est quoi qui se passe dans la tête d'un homme parfois? C'est quoi ce besoin de toute puissance? C'est quoi cette virilité brutale qui s'empare de certains et les rend fous, et les rends violents, et les cruels?"

Dernier élément: La liste des musiques et chansons citées en fin de volume....  Tout un programme! 

Un véritable coup de cœur pour ce livre.

Thèmes:
Amour, amitié
Adolescence
Lycée
Relation à soi, aux autres
Sexualité, Revenge Porn
Féminisme
Relation Femme-Homme, Fille-Garçon
Relation Parents-enfants
Stéréotypes de genre
Harcèlement

Niveaux: 4e-3e-Lycée, tout le monde

Pauline G. (Chaumont)

jeudi 8 octobre 2020