lundi 28 décembre 2020

Les Chroniques de l’érable et du cerisier : T.1, Le masque de nô.

MONCEAUX, Camille. Les Chroniques de l’érable et du cerisier : T.1, Le masque de nô. Gallimard.  2020.  411 p.  ISBN : 978-2-07-512697-7.  (20,50€) 
 
 Résumé : 
 
Japon, 17è siècle. 
Recueilli et élevé par un mystérieux samouraï et sa servante, Ichiro grandit à l’abri du monde, dans une modeste maison isolée dans la montagne. Son quotidien est rythmé entre un rigoureux apprentissage du sabre transmis par « le maître » et les tâches ménagères effectuées en compagnie de la douce Oba. Sa vie bascule lorsque Oba décède subitement, et surtout lorsque le maître, qu’il considère comme son père, est assassiné par un inconnu en quête d’un sabre légendaire déposé chez eux quelques jours auparavant par un mystérieux invité de passage. 
Commence alors pour Ichiro une vie d’aventure et d’errance, marquée par de multiples dangers. Alors qu’il se décide à rejoindre la ville la plus proche, il est aidé par un couple qui, derrière une apparente bienveillance, menace de le vendre comme esclave. Ichiro réussit à leur échapper et se retrouve sans abri. Battu par un groupe de jeunes marginaux, il est soigné par un artiste lunaire, un poète, Daichi, qui lui permet de trouver du travail chez un marchand de saké. Ichiro découvre que le commerce se transforme le soir en théâtre, où sont jouées les œuvres de Daichi. 
Ichiro, craignant toujours pour sa vie suite à la mort du maitre, se fait alors appeler Tomo pour ne pas être repéré. Il va très vite faire la connaissance d’un jeune garçon qui devient son meilleur ami, Shin, et qui l’accueille dans sa famille. Bénéficiant alors d’une certaine stabilité matérielle, Ichiro gravit les échelons du théâtre et se retrouve sur scène un peu par accident. Interprétant un samouraï, il constate que les réflexes d’utilisation du sabre sont toujours présents et que l’enseignement du maitre n’a pas été oublié, loin de là. Un soir, après une représentation, il est attiré dans la rue par une voix qui l’envoûte immédiatement, provenant d’une riche résidence. Oubliant toute précaution, il escalade le mur et découvre une jeune fille sous surveillance permanente, et dont le visage est caché derrière un masque de nô. 
 
 
Avis : 
 
A première vue, un roman sur le Japon du XVIIè et les samouraïs ne me passionne pas plus que cela, mais je suis entrée dans l’histoire très facilement et j’attends la suite de cette épopée fascinante avec impatience ! On trouve très vite ce héros fort sympathique et attachant, tout comme le sont d’ailleurs les autres personnages, j’ai vraiment hâte de connaitre la suite de leurs aventures. 
 
Premier volume d’une épopée, « Le masque de nô » est également le premier ouvrage de Camille Monceaux. Et quelle histoire! Très documenté, le récit est extrêmement bien écrit. L’auteure réussit à nous entraîner très facilement dans l’univers des samouraïs, du théâtre kabuki, des courtisanes, des villes du Japon et de leur gouvernance par les shoguns, de la méfiance de ces derniers face l’incursion des missionnaires chrétiens, sans nous livrer toutes ces informations de façon encyclopédique. Bref une lecture plaisante à tous les niveaux, et tout à fait accessible aux non-initiés à la culture japonaise ! 
 
 
Thèmes : 
 Japon / XVIIè / Samouraï / Théâtre / amour / amitié 
 
Niveaux : 4è-3è (voire 5è bons lecteurs) 
 
Christine B. (Nogent)

jeudi 10 décembre 2020

Point de fuite

COLOT, Marie. GUILBERT, Nancy. Point de fuite. Gulf Stream (Électrogène Réaliste), 2020. ISBN: 978-2-3548-8791-9. (18€)
 
Résumé: 
 
Mona est une lycéenne heureuse, dynamique, lumineuse. Un peu tête en l'air peut-être, mais c'est normal, c'est une "artiste". D'ailleurs, le dessin est une véritable passion: elle aimerait bien pouvoir en faire son métier. 
 
Depuis peu, elle a un amoureux, Joshua. Passionné d'art comme elle. Beau. Brillant. Prévenant. Cultivé. Merveilleux. Le gendre idéal. L'homme qui lui fallait. Celui qui la complète. 
Mais il ne s'agit que d'une façade car insidieusement, peu à peu, mot après mot, geste après geste, Joshua l'enferme dans un carcan douloureux, l'isolant de tous. Mona  ne remarque rien, refuse de voir la réalité, n'admet pas une vérité si dure. Parce qu'au fond, elle le sait: elle ne mérite pas Joshua, elle a besoin de lui pour réussir, pour vivre. Et puis, Joshua l'aime. Ce n'est qu'une mauvaise phase. Tous les couples vivent ça, non?
 
Mais si Mona, sa famille, celle de Joshua, ne réalisent pas ce qui est entrain de se passer. D'autres personnes assistent à la descente aux enfers de la jeune fille et elles refusent de ne pas agir, de laisser faire. Il y a Marin, le meilleur ami de Mona, Lya, la voisine au passé douloureux, Esther, qui ne connait pas Mona, mais qui connait très bien Joshua, et Cassien, le poète Rwandais, arrivé en France enfant, rescapé du génocide des Tutsi.  
 
Avis:
 
On suit la trajectoire des émotions de Mona: son cœur qui s'emballe à la vue de ce jeune homme, leurs débuts si romantiques, si fleur bleu. Une histoire de Prince Charmant qui tombe amoureux de la jeune fille pauvre, qui se croyait invisible. Lui si beau, elle si banale. Mais comme tout grand huit, après la montée, il y a la descente. Lente, inexorable, inévitable, destructrice. On sent le changement d'attitude de Joshua. On observe impuissant Mona qui se laisse entraîner. Qui ne se débat pas. Mais heureusement, il y a un cercle de personnes qui va réagir. Chacune d'elle a son histoire, ses combats, ses démons. Et finalement, toutes vont croiser la route de Mona et décider de l'aider.
 
 Un texte choral précis, fort. La complexité de chaque personnage est développée avec objectivité et équité. Aucun n'est en retrait. Un petit coup de cœur pour Cassien et ses textes...
La manipulation et l'emprise arrivent doucement, subtilement, avec pudeur. Pas de voyeurisme inutile. On ne tombe pas les clichés qu'on peut avoir quand on pense au sujet de la violence faîte aux femmes ( ex: misère sociale, CSP moins, "mec bourré", gens sans culture...). 
Autre élément "positif": l'histoire ne se termine pas en Happy End et heureusement, car les victimes de violence mettent longtemps à se reconstruire, à accepter d'accorder à nouveau leur confiance, les séquelles sont nombreuses, les blessures profondes. Elles ne disparaissent pas d'un claquement de doigt. Cette fin renforce l'impact de l'histoire, la rend encore plus solide.
 
Beaucoup d'autres thématiques sont abordés: l'écologie, le sport, le génocide des Tutis, et l'art avec une quantité d’œuvres cités. D'ailleurs, tous ces tableaux que je ne connais pas forcément m'ont un peu gênée au début: devais-je aller voir de quoi il s'agissait ou pas, était-ce utile pour l'histoire? Et puis finalement, je n'ai pas cherché (même si je suis sûre de la plus-value) et ça n'enlève rien au texte. Mais une liste des œuvres citées est  donnée en fin d'ouvrage. Chacun peut donc créer son musée autour du livre.
 
Pour compléter et surtout informer, les autrices fournissent des outils:
- le violentomètre du Centre Hubertine Auclert pour "mesurer" si sa relation amoureuse est basée sur le consentement et ne comporte pas de violences
- Deux numéros de téléphones anonymes et gratuits: le 3919 pour la France et le 0800/30.030 pour la Belgique (Marie Colot est Belge)
- Des adresses d'associations d'aide aux victimes de violence dans son département : Arrêtons les Violences (France), Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales (Belgique)
 
Bref, une histoire portée par un texte écrit à quatre mains qui ne peut pas laisser insensible.
 
Thèmes:
 
Relation homme-femme
Emprise, manipulation, influence psychologique
Violence conjugale, maltraitance
Pervers narcissique
Amour
Relation toxique
Art, peinture
 
Niveaux: 4e bon lecteur, 3e, lycée et  +

Pauline G. (Chaumont)